Jean-Jacques Goldman :
Ainsi commence l'histoire de Jean-Jacques Goldman, né en France, un mois
d'octobre de l'après-guerre, de parents juifs immigrés. "Moïshé"
a quitté, adolescent, le ghetto de Lublin (Pologne), dans les années 20 ; Ruth
est née en Allemagne, à Mu nich, mais c'est à Lyon que vont se rencontrer
Mojze Goldman , et Ruth Ambrunn... Juste après la guerre ils quittent
l'ancienne capitale de la Gaule (où Mojze a joué un rôle important dans la
Resistance) pour élire finalement domicile dans la banlieue parisienne, à
Montrouge.
C'est là que le petit Jean-Jacques, né le 11 octobre 1951 à Paris (il est le
troisième d'une famille de quatre enfants : son demi-frère, Pierre, est plus
âgé de sept ans, Patricia est née en 50 et Robert viendra au monde deux ans
après lui), va à l'école communale, puis au collège. Enfance heureuse et
banale ; adolescence marquée par le scoutisme qui lui vaut, comme louveteau, "
le tour du Luxembourg à vélo, un mois de roulotte en Irlande", puis
d'être sélectionné, avec une vingtaine de scouts français, pour un jamboree
aux Etats Unis... parce qu'il était capable "d'accompagner à la guitare
-en déplaçant le capodastre- à peu près n'importe quel chant, quelle que
soit sa tonalité de départ. C'est la première conséquence de dix ans d'étude
de violon classique puis de piano, sans trop d'enthousiasme, prolongés (pour le
plaisir cette fois) par l'apprentissage personnel de la guitare. Entre-temps, il
est vrai ("Je devais avoir l2 ou 13 ans"), il a entendu Aretha
Franklin chanter «Think». Une véritable révélation : "J'étais
touché par une atmosphère, un plaisir non intellectuel, absolument pas raisonné,
complètement physique. Comme une expérience amoureuse » C'est la grande
époque de la musique soul qu'on retrouve en France sur des disques regroupés
sous l'appellation Formidable R'N'B : Aretha Franklin bien sûr, mais aussi Otis
Redding, Wilson Pickett, Eddie Floyd, Sam & Dave... Jean-Jacques est
d'autant plus sous le choc que, chez lui, la musique brille par son absence.
S'il a nourri lui-même, ces années-là, une affection particulière pour Jean
Ferrat ("J'étais vraiment très touché par des chansons comme "Un
jour viendra"), son père ne porte guère d'intérêt à la chanson, à
quelques chants révolutionnaires près.
Sa mère, elle, écoute
un peu Yves Montand, Stéphane Golman ( Né à Montrouge (!) en 1921 et mort au
Québec en 1987, précurseur spirituel de Brassens ou Leclerc, Stéphane Golman
est l'auteur de nombreuses ballades et chansons de gestes (dont Actualités et
à La Marie-Joseph, popularisées par Yves Montand et les Frères Jacques) ("peut
être pour des rairons de clocher..."), les Compagnons de la chanson...
, "Quant aux spectacles, les seuls dont je garde le souvenir, c'est de
Jean Ferrat à Bobino et des Choeurs de l'Armée Rouge au Palais des Sports...
» La littérature, en revanche, est omniprésente. "Je conserve la
vision de tous les enfants dans la même pièce, le soir, sans radio, sans télé,
chacun plongé dans un livre et l'un relevant la tête pour rire à une formule
et l'échangeant avec les autres. On lisait aussi bien Zola que Hemingway,
Martin du Gard gue San Antonio ou Montaigne ».
A l'école, Jean-Jacques
est un assidu de la chorale ; chez les scouts aussi on chante en choeur (son
totem est un chat sauvage...) ; et bientôt - parallèlement à sa découverte
de la soul music puis du blues - il intègre un groupe en cours de formation,
lequel est en quête d'un organiste, à la paroisse de Montrouge. "Nous
jouions Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis les tubes du moment... et, à la demande
du prêtre, des gospels dans son église ». Le résultat satisfait si bien
le prêtre en question, le père Dufourmantelle, que celui-ci décide de leur
faire enregistrer un disque, sous le nom de Red Mountain Gospellers... Les
ventes (à la sortie de la messe !) couvriront les frais.
Premiers pas, en 1966, dans un studio d'enregistrement : Jean-Jacques y joue de
la guitare, de l'harmonica et de l'orgue. "C'était un 45 tours de
gospels il y avait "Go down Moses'; `Nobody knows'; et puis une reprise :
"Colours" de Donovan... "
Mais les années-collège se
terminent et les années-lycée, à Paris, vont être propices à de nouvelles
rencontres. Jean-Jacques, qui s'est acheté une guitare d'occasion avec ses
propres économies - et a découvert Bob Dylan (« je suis allé le voir à
l'Olympia, c'était le premier concert où j'allais seul, en payant mon
billet... »), multiplie les expériences musicales de groupes jusqu'à la
formation des Phalansters (allusion aux théories sociales de Charles
Fourier...). Le rock a pris le pas sur le gospel, le guitariste a succédé à
l'organiste et, surtout, le temple du rock français, le Golf Drouot, va se
substituer à la petite église de Montrouge. Bien que Jean-Jacques ne chante
toujours pas en solo (il participe seulement aux choeurs), le Golf Drouot qui
accueille régulièrement les Phalansters - constitue néanmoins sa véritable
première scène.
Après son BAC D (1969), le jeune homme continue la musique (avec Phalansters ou
des groupes de bals dans lesquels il assure des remplacements) tout en faisant
une année de prépa à HEC; mais c'est à l'EDHEC de Lille l'une des écoles de
commerce les plus cotées de province - qu'il va en définitive suivre des études
supérieures. La musique n'est toujours qu'une passion, en aucun cas un objectif
professionnel, adieu donc les Phalansters and Co.
Les paroles :